samedi 14 mars 2015

Regards croisés : Les Moulins


  La généralisation de l’électricité marquera le déclin des moulins à vent qui avaient assuré pendant des siècles la richesse des pays. La création en 1840 du système Berton qui remplaçait la toile des ailes par des planchettes articulées plus aisément maniables, ne put sauver les géants millénaires. Devenus inutiles à la meunerie, les moulins disparurent inexorablement des campagnes. Les peintures et dessins témoignent aujourd’hui de leur splendeur et de la fascination qu'ils exercèrent sur les artistes. Une beauté si éloignée de la rigidité froide et métallique de nos actuelles éoliennes.




Piet MONDRIAN (1868 - 1928) est né dans ces Pays-Bas dont les moulins sont le symbole. Il peint au début des années 1900 une série de peintures luministes des moulins de Gein, puis de Dombourg (ci-dessus). Les différentes œuvres traitées en série, à l’instar des meules de Monet, marquent le cheminement du peintre vers l’abstraction qu’illustre la célèbre toile ci-contre, Moulin dans la clarté du soleil. Inspiré par le fauvisme de Kees Van Dongen (1877 - 1968) et Vincent Van Gogh (1853 - 1890), Piet Mondrian la peint en 1908 à Winkel au nord des Pays-Bas*. Le moulin disparaît comme irradié par l’intensité des couleurs dont la palette est réduite par le peintre. La chaleur est si perceptible que l’on s’interroge : ce moulin n’est-il pas dans un brasier qui le fait disparaître ?

           
Le peintre suédois Folke SINCLAIR (1877 - 1956) réalise dans les années 30 cette œuvre au format carré. Sous un ciel chaotique, un moulin se dresse telle une ombre fantomatique, les ailes ployées sous la contrainte du vent. La scène est vide pour souligner la solitude dans le combat qui l’oppose aux éléments déchaînés. Le sort des moulins n’est-il pas de toujours faire face ? Folke Sinclair, dans cette scène naturaliste, rend hommage à leur vaillance.


A l’opposé, le luministe belge, Émile CLAUS (1849 -1924) dans une toile empreinte de quiétude, illustre un moulin aux premières lueurs de l’aube. La scène est prise à hauteur d’homme pour magnifier la grandeur du géant assoupi sur sa guivre dans la brume matinale. Le format vertical de l’œuvre accentue le sentiment de puissance. Émile Claus illustre ici le moulin à chandelier d’Astene au bord de cette Lys qui lui fut si chère.   


L’artiste danois, Peter HANSEN (1868 - 1928) dans cette toile de 1905 représente une ferme un jour de pluie. Aucune âme n’apparaît dans cette scène dominée de gris et de vert. Les matériels agricoles semblent à l’abandon. Le regard se porte en haut de la colline. De dos, le moulin la surplombe, faisant face courageusement à l’instar de l’œuvre de Folke Sinclair, aux vents d’hiver.     


Maurice LELIÈVRE (1848 - 1897) illustre dans cette scène la disparition du moulin. Le géant qui naguère dominait les paysages, n’est plus que ruine. Comme s’il était déjà absent, l’artiste le présente tronqué. Le jour traverse la cavette délabrée et les ailes sont maintenant immobiles. Reste le paysage ensoleillé, dernier regard du moulin abandonné.   
   
* : Il en produira une seconde version pointilliste actuellement visible au Musée des Beaux-Arts de Dallas.