dimanche 22 novembre 2015

Richard BASELEER (1867 - 1951)





« La première fois que Richard Baseleer exposa son œuvre complète à la chapelle du canal Falcon, (…) ce fut une révélation pour nous tous qui, pourtant, avions suivi de près le développement de son talent. Un homme se dressait devant nous, un homme doué et inspiré, qui s'exprimait en une langue originale, une langue à lui. En des toiles nombreuses, il extériorisait et sa propre individualité, et ses rapports avec le monde ambiant. Pourtant, le grand public n'y vint pas ou n'y comprit rien. Ce qui était dit en ces toiles se trouvait en opposition formelle avec les idées et les sentiments des autres peintres, avec tout ce que le goût du jour avait imposé et mis à la mode, avec ce que l'on voyait ordinairement aux expositions. Baseleer voyait, sentait d'une façon toute autre que ne le faisait la majorité de ses concitoyens et il voulait autre chose qu'eux. Ce n'est donc pas par miracle qu'il ne fut ni compris, ni apprécié. Il est aisé de dénigrer ceux qui, en certaines périodes d'art, cherchent à se frayer des voies nouvelles. En ennemi se dresse tout d'abord devant eux, un public ignorant, aveuglé par le succès du jour, se laissant mener par des critiques qui ne savent et ne peuvent mieux faire, qui oublient que, suivant les paroles d'Ernest Hello, leur seul devoir consiste à «faire justice, comme Hercule». Ils peuvent, ensuite, compter sur les sentiments d'inimitié de leurs collègues, les peintres, qui les combattront sans miséricorde et les feront méconnaître. En effet, ceux qui tenteront de réaliser des penseurs originaux, ou qui auront une vision nouvelle de l'univers, seront traités de poseurs, et leurs œuvres de mystifications, par l'indifférence ignorante d'un public guidé par des jugements injustes, lourds et prétentieux, d'une mauvaise foi évidente et brutalement exprimés. En un mot : tout le monde courra sus à ces chercheurs. A peu de chose près, il en fut ainsi pour R. Baseleer. Remarquons-le ici, pour que ceux qui viendront après nous, sachent en quel marasme l'art pictural végétait en Flandre de nos jours, quoiqu'il n'y ait aucun pays, en ce moment, qui puisse se glorifier d'un nombre aussi grand d'artistes véritables. 
Baseleer, comme les autres, fut combattu d'une façon déloyale. La moquerie et l'esprit de dénigrement se liguèrent. Son talent fut nié, son activité méconnue, on n'épargna pas même sa vie privée. Ses œuvres ne furent pas admises à certaines expositions, où pourtant nous vîmes s'étaler à la cimaise des choses monstrueuses, dont le souvenir même s'est effacé en nous. En vérité, on eût dit que l'on voulait rendre le travail, c'est à dire la vie impossible à ce peintre. N'est-ce pas là le calvaire de tous ceux qui, à notre époque, en art ou en littérature, pensent et sentent d'une façon originale, de tous ceux qui sont plus ou moins des précurseurs ? Ils ne seront appréciés tant que le grand public ne les aura pas reconnus, ce qui, parfois, peut tarder longtemps. Par ce fait, l'artiste conscient de son talent et des devoirs qui pèsent sur lui, l'homme qui veut se créer sa propre voie, sans faire des conversions au goût du jour et sans se résoudre à ces agissements équivoques, qui sont comme autant d'infidélités dont on se rend coupable envers soi et envers son art, devra se tenir, durant ses plus belles années, éloigné de son labeur, pour soutenir journellement, pour lui et les siens, la terrible lutte pour la vie. Il est vrai, cela ne diminuera en rien sa gloire future, mais cette gloire ne sera qu'un « soleil des morts » et il aurait mieux valu qu'elle eut égayé la vie de l'artiste de quelques doux rayons. Elle lui aurait procuré la joie et la lumière ! Elle aurait eu pour conséquence directe ce bonheur domestique qui augmente le pouvoir créateur et rend le travail plus joyeux. 



Baseleer est un peintre. Cela seul nous le rend déjà sympathique, quand nous voyons tant d'autres artistes qui ne peuvent et par cela même, ne veulent pas peindre. C'est un peintre de paysages, qui s'est fait un devoir d'analyser et de rendre avec conscience l'état de l'atmosphère. Il peint presque toujours l'aube, le midi ou le crépuscule. Tantôt c'est à l'aube; une atmosphère aux tons violets et noirs repose sur l'eau, en attendant qu'au loin le soleil se lève pour y susciter d'autres tons et d'autres transparences; tantôt c'est l'heure du midi qui, en une gloire de lumière, fait vibrer toutes choses ; enfin, plus loin encore, c'est le crépuscule : tout s'assombrit et le soir se fait. Ce qui vous frappe partout ce sont les jeux de lumière, les multiples transformations des couleurs : un flamboiement, une fanfare de mille teintes, un incendie, un brasier, un scintillement, une trépidation de couleurs qui se meurent dans le lointain, en reflets d'eau et de ciel doux et veloutés. C'est partout l'extériorisation consciente de l'eau transparente et de l'atmosphère blonde de notre pays. Etant donné le caractère de l'œuvre même - le dessin de Baseleer reste sommaire. D'un coup d'œil, en impressionniste dirais-je, il a la vision du paysage et il tâche ensuite de rendre ce qu'il vient de voir. Le sol - un seul et simple plan - un ciel au-dessus, et voilà le tableau ébauché. C'est alors que commence, en somme, la grande besogne pour l'artiste, l'amant de la nature, qui veut faire valoir chaque teinte et chaque nuance. Du moins c'est ainsi que je me le figure et ce doit bien être cela : il s'agit alors de régler, d'ordonner toutes les teintes auxiliaires, les variations des reflets et les valeurs respectives de la lumière. Il analyse l'aspect sans cesse modifié de l'eau qui coule ou reflue, toujours mobile et changeante. Il étudie les digues, l'herbe, les arbres, en même temps que leur couleur, comparée à celle de l'eau, il peint l'herbe et les roseaux, les « schorren » c.à.d. les terres  d'alluvion le long du fleuve et les pâturages, que l'eau inonde et abandonne tour à tour, laissant derrière soi, sur la boue argileuse, de nouvelles couleurs variées. Partout l'on sent - et ceci surtout doit nous faire aimer cet artiste, le respect et l'amour de la beauté des choses réelles. L'œuvre de Baseleer me paraît semblable à celle d'un bon poète qui chanterait simplement avec tout son cœur et toute son âme, sans rhétorique et sans édifier de système, parce qu'il est heureux de l'émotion que lui procure la matière dans toute sa prodigieuse splendeur. 


L'évolution du talent de Baseleer s'effectua très lentement. Sa certitude ne s'affirme pas brusquement. Sa conception de la vie ne se fit pas connaître immédiatement. Toujours plus confiant dans le but de ses efforts que dans le résultat obtenu, il ne fit jamais de concessions au goût régnant qui aurait pu diminuer la justesse de ses observations des frissonnements de l'atmosphère et des dégradations de la lumière; il exerce, au surplus, sur tout ce qu'il produit une bonne et saine faculté de critique. Cela l'entraîne même si loin qu'une œuvre, dignement appréciée, ne peut encore le satisfaire. Nous l'avons entendu dire, maintes fois devant un tableau de réelle valeur, qui nous semblait achevé : « Non, ce n'est pas là ce que je voulais. Je vais m'y remettre. » Vraiment, en entendant ces paroles, nous sentions la crainte nous saisir de le voir gâcher son œuvre, subjugué par la vision qu'il s'en faisait. Chez d'autres cela se passait trop souvent ainsi. Nous étions stupéfaits, plus tard, de revoir l'œuvre plus belle, plus grandiose, et nous devions reconnaître que ce peintre avait des guides plus sérieux que nous autres, admirateurs enthousiastes. En effet, ne confronte-t-il pas chaque jour, chaque heure ses œuvres avec les choses et les éléments même qu'il veut peindre, avec la mer ou le fleuve, avec les digues ou les pâturages, quand l'aube, le crépuscule ou la nuit les couvre ; il y mêle sa tristesse, sa peine, sa joie ou son bonheur. Baseleer chante, en un poème panthéiste, la nature et soi-même comme centre, l'étincelle divine qui anime le tout. Je le vois s'efforcer à rendre avec amour toutes les combinaisons multiples de la lumière et de l'ombre et leur mirage dans l'eau et dans l'atmosphère, se hâtant fébrilement, car le moindre petit nuage, se détachant au ciel, viendrait anéantir son effet. Il doit vivre de cœur et d'âme quelques instants sur le lieu où il s'est senti impressionné ; et plus tard, dans son atelier, cette impression doit l'agiter longtemps pour lui permettre de fixer sur la toile, pleine de vérité, magnifiquement et splendidement tous ses documents comme autant de choses à lui. Le Bas-Escaut, voilà le titre que Baseleer a donné à une grande partie de son œuvre. Le Bas-Escaut, c'est à dire les digues, les « schorren » et le fleuve lui-même avec ses vagues agitées ou calmes, le flux ou le reflux. L'on a déjà l'impression de la mer devant cette large et grandiose étendue d'eau, avec son horizon infini et son immense ciel nuage. Sous ce ciel l'eau s'agite continuellement, clapotant contre les digues, les rongeant avec une fureur sans cesse renouvelée, dont on trouve partout les traces. Baseleer, le peintre des grands espaces d'eau, doit être en même temps un peintre de ciels. Le contraire serait inconcevable. Pour pouvoir ressentir ce qu'il y a de grandiose en ces toiles qui, comme je l'ai dit plus haut, forment un seul aspect, rapide et unique de la réalité, il faut aussi que nous les voyions et sentions d'un seul coup, en leur ensemble. Toutes les couleurs, tous les mirages se complètent, s'unifient, s'influencent les uns les autres. Il y a tant d'unité en ces toiles qu'un intime du paysage nous pourrait dire l'heure de la journée, à voir la fuite des nuages, l'aspect de l'eau avec la brume chaude, délicate et subtile ou la couleur de la boue. 


Les œuvres de Baseleer nous donnent la certitude qu'à chaque instant ce peintre, en véritable artiste qu'il est, sent croître, en face d'un seul et même paysage, un autre sentiment, une autre pensée. - Est-ce que les aspects de la vie, qui se modifie et change sans cesse, ne sont pas infinis ? Il possède à un haut degré le don de ravir à tout moment à la matérialité, qui semble toujours uniforme, une nouvelle et précise image où la vie se concentre. Il est naturel que Baseleer finirait par se préoccuper de l'homme travaillant et peinant au milieu des choses qu'il avait déjà rendues avec tant d'amour. En ses œuvres récentes la figure humaine prend plus de place. Le peintre s'occupe de la vie des pêcheurs, de ses altitudes, de ses gestes rudes et frustes, des frissonnements et des vibrations de lumière sur son visage et sur ses habits. Ceci se laissait  deviner dès les premières œuvres et il semble aujourd'hui vouloir y consacrer un cycle spécial, La Vie de Pêche, dont il a déjà exposé trois pastels : Ramer, Amarrer et Démarrer. A différents instants du jour, il nous montre des silhouettes de pêcheurs en plein travail, qui font tâche sur les harmonies vibrants d'un ciel mouvementé. Pour résumer maintenant mes idées sur R. Baseleer et son œuvre, je dois dire, tout d'abord, qu'une grande pensée l'anime. Il a voulu rendre sa région favorite comme il l'a aimée, dans la gloire des saisons qui se suivent. Il a voulu rendre cette atmosphère blonde de notre pays qui paraît toujours embrumée par les vapeurs fluides qui s'exhalent des fleuves et des pâturages. Il a voulu nous donner une vision complète de cette région avec son fleuve et ses accalmies, ses bruits et ses fureurs, l'Escaut avec ses multiples variations de teintes, vert, bleu, gris, presque blanc, puis rouge, orange et jaune, et, sur tout cela, la fuite des nuages, blancs et pourprés, et, au loin, l'éternel tapis émeraude des gazons luxuriants ou la végétation primitive des Schorren. Il a rendu tout cela avec un instinct merveilleux, une logique peu commune, d'une manière toute simple, dépourvue de trucs, parce qu'il possède une vision directe des choses. Et pour le caractériser d'une façon plus générale encore, je dirai, enfin, que toute son œuvre constitue l'étude de la journée en notre pays, étude qu'il complète continuellement. Baseleer chante, avant tout, les heures qui vont de l'aube au soir. On pourrait suivre logiquement ses tableaux du matin, où la lumière du soleil tremblote sur le fleuve, en hésitant encore, jusqu'à ce que le soir vienne et la nuit endeuillisse toute chose ; alors les mâts et les navires s'enfoncent dans l'obscurité et les arbres se dressent sur la rive, effrayants et pleins de mystère. Tous ces tableaux sont des moments d'une seule et même vie. Baseleer les chante l'un après l'autre, d'après le caprice de son tempérament, mais ils n'en restent pas moins des strophes d'un seul et même chant où ils trouvent leur place logique. Ce chant est un poème panthéiste, fort, puissant, émotionnant, et modulé avec conscience. »

Victor de Meyere (1873 - 1938), revue mensuelle illustrée l’Art Flamand & Hollandais, 1905. 



samedi 14 novembre 2015


Chagrin, 1917
Halvar FRISENDAHL (1889 - 1953)

Axel NILSSON (1889 - 1981)

mercredi 11 novembre 2015

Pelle SWEDLUND (1865 - 1947)

Nous complétons la note de Pelle Swedlund de quelques-unes de ses œuvres dont la palette colorée cache un même sentiment de romantisme.








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Julius PAULSEN (1860 - 1940)



   Dans une peinture colorée aux traits larges et rapides, Julius Paulsen (1860 - 1940) aura su plus que nul autre, retenir l’instant. Celui où la lumière décline et où s’allument sur les tables, les lampes à huile. Celui de ces moments simples de la vie où la mère parle et rit avec son enfant. Celui des campagnes printanières et des nuits urbaines. Cette œuvre discrète, simple au premier regard,  fut celle d’un artiste profondément talentueux. Julius Paulsen fut de son vivant considéré comme l’un des plus grands peintres danois à l’égal de son ami Peder Severin Krøyer (1851 - 1909). A la croisée du naturalisme et de l’impressionnisme, sa peinture fut avant toute chose celle d’un artiste à l’inspiration libre qui partagea au gré de ses tableaux une intimité précieuse et distinguée. 







Julius Paulsen est né le 22 octobre 1860 à Odense en Fionie où ses parents sont épiciers. Après avoir été apprenti à Odense, il intègre l’école des Beaux-Arts de Copenhague en 1879. Sa formation achevée, il part en 1885 vers Paris avec le peintre Viggo Johansen (1851 -  1935) traversant les Pays-Bas et la Belgique. Il y découvre l’école flamande et Rembrandt qui inspireront ses portraits. L’artiste voyage en Europe parcourant l’Allemagne en 1886 puis l’Italie en 1888 et expose de façon permanente. Le critique Julien Leclercq dans la Chronique des Arts remarque l’artiste danois lors de l’Exposition de 1897 à Stockholm: « Il y a de la simplicité, de l’atmosphère, une couleur nourrie dans les portraits, intérieurs et paysages de M. Julius Paulsen. »  Vers 1900, Julius Paulsen se rend à Skagen retrouver Laurits Tuxen (1853 - 1927) et Peder Severin Krøyer qui le portraiture en 1885 et 1907. Reconnu, le peintre devient en 1908 professeur à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague. Membre du mouvement Den Fri, il y présente au mois d’octobre de l’année suivante une vaste rétrospective de 240 œuvres. Léonie Bernardini-Sjoestedt écrit avec justesse dans L’Art et les Artistes en 1912 : « Julius Paulsen  peint de mystérieux paysages argentés et des femmes nues, avec un sens amoureux du rythme et de la forme humaine. » Il y a effectivement dans la peinture du maître une simplicité mystérieuse. Sans doute le mariage réussi d’un artiste amoureux de la vie et amoureux de son art. 


En 1904, l’artiste et éditeur Niels Viding Dorph (1862 - 1931) écrit dans l’ouvrage Les Maîtres Contemporains un long article sur son compatriote : « Julius Paulsen appartient à cette génération d'artistes qui firent leur éducation au moment où le naturalisme était dans toute sa prépondérance et son éclat ; cependant il est, à un degré très marqué, de ceux qui ensuite se développèrent suivant de tout autres principes et se dirigèrent dans de tout autres voies. Le credo esthétique du naturalisme, comme on sait, perdit plus vite qu'on ne l'eût cru son autorité : il consistait plus dans une discipline technique que dans un rajeunissement des sujets artistiques. Paulsen, d'ailleurs, pour son compte, apportait des dispositions qui le poussèrent à s'évader bien vite des formules apprises et à se créer un style en rapport avec sa conception particulière et sa vigoureuse personnalité. « Personnalité » est vraiment le mot qui caractérise Paulsen. Peu d'artistes danois ont au même degré une manière aussi originale. De cette vieille langue, la couleur, il se constitue un langage nouveau, imprégné de son esprit à lui et qui se distingue de tous les autres. Il peint avec une virtuosité étonnante, —sans cependant pouvoir être traité de virtuose, — et à cette habileté de main s'ajoutent la chaleur du sentiment et l'originalité de la forme. Il est naturaliste, en ce sens que jamais il n'essaie de quitter pour l'abstraction et le symbole le terrain de la réalité ; mais c'est avec des yeux de poète qu'il considère la nature et avec une poétique liberté qu'il l'interprète. Ceci est particulièrement visible dans ses paysages, moins dans ses nombreux portraits ou compositions meublées de figures, qui exigent davantage le respect de la réalité. Ses personnages sont souvent traités dans un style monumental : conçus de façon grandiose, ils sont exécutés très largement. La couleur est toujours d'une beauté rare et harmonieuse. (...) Mais c'est peut-être dans le paysage que Paulsen a produit ses meilleures œuvres. Ses tableaux de nature sont petits pour la plupart, même tout petits, et tirés de motifs insignifiants; ils ne se distinguent pas non plus par une coloration particulièrement vigoureuse et hardie. Mais ils sont pourtant d'un effet extrêmement saisissant et étonnant, car tout y est exécuté de façon à donner l'impression la plus vive du sujet. Un pays plat, des prairies avec une chaumière et quelques arbres échevelés par le vent : voilà un de ses thèmes. Mais derrière les lourds nuages le soleil brille soudain et vient dorer un bout de pâturage; et aussitôt c'est une vivante féerie. Ou bien des flamboiements traversent de sombres nuages d'orage sous un ciel menaçant comme un mauvais destin : tout un petit drame de nature ! Ou bien, tout est dissous dans le brouillard et la tristesse, un rayon d'une lune blafarde tombe seul sur une mer obscure, semblable aux rêves vagues d'un homme à demi éveillé. Ces impressions ne sont pas des impressions de nature, mais des impressions de l'artiste lui-même. Ce qu'il retrace, ce n'est pas la réalité existante, mais le va-et-vient de ses propres sentiments à travers la joie et la douleur. »
Julius Paulsen décédera en 1940 dans sa 80ème année à Copenhague.



dimanche 27 septembre 2015

Cornish Light



   Le 24 septembre 1894, à l'initiative de son conservateur George Harry Wallis (1847 - 1936), le Nottingham Castle accueillait une exposition majeure de 234 peintures d'une cinquantaine d'artistes œuvrant en Cornouailles. Ces jeunes peintres rattachés à ce que seront les écoles de Newlynn, St Ives ou Falmouth, s'étaient fréquemment formés dans les ateliers parisiens. Ils décriront dans des toiles souvent réalistes le monde maritime de cette pointe de l'Angleterre.
120 ans plus tard, les musées de Nottingham et de Penzance ont offert cet été au public l'occasion de redécouvrir certaines œuvres présentées lors de cette exposition majeure et d'apprécier le talent de ces artistes naturalistes. Citons entre autres Adrian Stokes (1854 - 1935) et son épouse Marianne (1855 - 1927), Sir John Arnesby Brown (1866 - 1955) ou encore, Frank Bramley (1857 - 1915). 
                    
The Harbour Bar
Adrian STOKES
Lantern Light, 1888
Marianne STOKES

Etude pour The Two Piers
Sir John ARNESBY BROWN

Eyes and No Eyes, 1887
Frank BRAMLEY

Fritz KÄRFVE (1880 - 1967)


   Nous complétons ici la notice de Fritz Kärfve de ces quelques paysages dunaires que l'artiste réalisait avec talent.     





samedi 14 mars 2015

Regards croisés : Les Moulins


  La généralisation de l’électricité marquera le déclin des moulins à vent qui avaient assuré pendant des siècles la richesse des pays. La création en 1840 du système Berton qui remplaçait la toile des ailes par des planchettes articulées plus aisément maniables, ne put sauver les géants millénaires. Devenus inutiles à la meunerie, les moulins disparurent inexorablement des campagnes. Les peintures et dessins témoignent aujourd’hui de leur splendeur et de la fascination qu'ils exercèrent sur les artistes. Une beauté si éloignée de la rigidité froide et métallique de nos actuelles éoliennes.




Piet MONDRIAN (1868 - 1928) est né dans ces Pays-Bas dont les moulins sont le symbole. Il peint au début des années 1900 une série de peintures luministes des moulins de Gein, puis de Dombourg (ci-dessus). Les différentes œuvres traitées en série, à l’instar des meules de Monet, marquent le cheminement du peintre vers l’abstraction qu’illustre la célèbre toile ci-contre, Moulin dans la clarté du soleil. Inspiré par le fauvisme de Kees Van Dongen (1877 - 1968) et Vincent Van Gogh (1853 - 1890), Piet Mondrian la peint en 1908 à Winkel au nord des Pays-Bas*. Le moulin disparaît comme irradié par l’intensité des couleurs dont la palette est réduite par le peintre. La chaleur est si perceptible que l’on s’interroge : ce moulin n’est-il pas dans un brasier qui le fait disparaître ?

           
Le peintre suédois Folke SINCLAIR (1877 - 1956) réalise dans les années 30 cette œuvre au format carré. Sous un ciel chaotique, un moulin se dresse telle une ombre fantomatique, les ailes ployées sous la contrainte du vent. La scène est vide pour souligner la solitude dans le combat qui l’oppose aux éléments déchaînés. Le sort des moulins n’est-il pas de toujours faire face ? Folke Sinclair, dans cette scène naturaliste, rend hommage à leur vaillance.


A l’opposé, le luministe belge, Émile CLAUS (1849 -1924) dans une toile empreinte de quiétude, illustre un moulin aux premières lueurs de l’aube. La scène est prise à hauteur d’homme pour magnifier la grandeur du géant assoupi sur sa guivre dans la brume matinale. Le format vertical de l’œuvre accentue le sentiment de puissance. Émile Claus illustre ici le moulin à chandelier d’Astene au bord de cette Lys qui lui fut si chère.   


L’artiste danois, Peter HANSEN (1868 - 1928) dans cette toile de 1905 représente une ferme un jour de pluie. Aucune âme n’apparaît dans cette scène dominée de gris et de vert. Les matériels agricoles semblent à l’abandon. Le regard se porte en haut de la colline. De dos, le moulin la surplombe, faisant face courageusement à l’instar de l’œuvre de Folke Sinclair, aux vents d’hiver.     


Maurice LELIÈVRE (1848 - 1897) illustre dans cette scène la disparition du moulin. Le géant qui naguère dominait les paysages, n’est plus que ruine. Comme s’il était déjà absent, l’artiste le présente tronqué. Le jour traverse la cavette délabrée et les ailes sont maintenant immobiles. Reste le paysage ensoleillé, dernier regard du moulin abandonné.   
   
* : Il en produira une seconde version pointilliste actuellement visible au Musée des Beaux-Arts de Dallas.

mercredi 7 janvier 2015


Deuil à Ouessant, 1903
Charles COTTET (1863 - 1925)
Musée des Beaux-Arts de Gand