Dans une peinture colorée aux
traits larges et rapides, Julius Paulsen (1860 - 1940) aura su plus que nul autre, retenir l’instant.
Celui où la lumière décline et où s’allument sur les tables, les lampes à
huile. Celui de ces moments simples de la vie où la mère parle et rit avec son
enfant. Celui des campagnes printanières et des nuits urbaines. Cette œuvre
discrète, simple au premier regard, fut celle
d’un artiste profondément talentueux. Julius Paulsen fut de son vivant considéré
comme l’un des plus grands peintres danois à l’égal de son ami Peder Severin Krøyer
(1851 - 1909). A la croisée du naturalisme et de l’impressionnisme, sa peinture
fut avant toute chose celle d’un artiste à l’inspiration libre qui partagea au
gré de ses tableaux une intimité précieuse et distinguée.
Julius Paulsen est né le 22
octobre 1860 à Odense en Fionie où ses parents sont épiciers. Après avoir été
apprenti à Odense, il intègre l’école des Beaux-Arts de Copenhague en 1879. Sa
formation achevée, il part en 1885 vers Paris avec le peintre Viggo Johansen
(1851 - 1935) traversant les Pays-Bas et
la Belgique. Il y découvre l’école flamande et Rembrandt qui inspireront ses
portraits. L’artiste voyage en Europe parcourant l’Allemagne en 1886 puis l’Italie
en 1888 et expose de façon permanente. Le critique Julien Leclercq dans la Chronique des Arts remarque
l’artiste danois lors de l’Exposition de 1897 à Stockholm: « Il y a de la simplicité, de l’atmosphère,
une couleur nourrie dans les portraits, intérieurs et paysages de M. Julius
Paulsen. » Vers 1900, Julius
Paulsen se rend à Skagen retrouver Laurits Tuxen (1853 - 1927) et Peder Severin
Krøyer qui le portraiture en 1885 et 1907. Reconnu, le peintre devient en 1908 professeur
à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague. Membre du mouvement Den Fri, il y présente au mois d’octobre de l’année suivante une vaste rétrospective de 240 œuvres. Léonie Bernardini-Sjoestedt écrit avec
justesse dans L’Art et les Artistes en 1912 : « Julius Paulsen peint de
mystérieux paysages argentés et des femmes nues, avec un sens amoureux du rythme
et de la forme humaine. » Il y a effectivement dans la peinture du maître une simplicité
mystérieuse. Sans doute le mariage réussi d’un artiste amoureux de la vie et amoureux de
son art.
En 1904, l’artiste et éditeur Niels
Viding Dorph (1862 - 1931) écrit dans l’ouvrage Les Maîtres Contemporains un long article sur son compatriote : « Julius
Paulsen appartient à cette génération d'artistes qui firent leur éducation au
moment où le naturalisme était dans toute sa prépondérance et son éclat ;
cependant il est, à un degré très marqué, de ceux qui ensuite
se développèrent suivant de tout autres principes et se dirigèrent
dans de tout autres voies. Le credo esthétique du naturalisme, comme on
sait, perdit plus vite qu'on ne l'eût cru son autorité : il consistait plus
dans une discipline technique que dans un rajeunissement des sujets artistiques.
Paulsen, d'ailleurs, pour son compte, apportait des dispositions qui le
poussèrent à s'évader bien vite des formules apprises et à se créer un style en
rapport avec sa conception particulière et sa vigoureuse personnalité. «
Personnalité » est vraiment le mot qui caractérise Paulsen. Peu d'artistes
danois ont au même degré une manière aussi originale. De cette vieille langue,
la couleur, il se constitue un langage nouveau, imprégné de son esprit à lui et
qui se distingue de tous les autres. Il peint avec une virtuosité étonnante,
—sans cependant pouvoir être traité de virtuose, — et à cette habileté de main s'ajoutent la chaleur du sentiment et l'originalité de la forme. Il est
naturaliste, en ce sens que jamais il n'essaie de quitter pour l'abstraction et
le symbole le terrain de la réalité ;
mais c'est avec des yeux de poète qu'il considère la nature et avec une
poétique liberté qu'il l'interprète. Ceci est particulièrement visible dans ses
paysages, moins dans ses nombreux portraits ou compositions meublées de
figures, qui exigent davantage le respect de la réalité. Ses personnages sont
souvent traités dans un style monumental : conçus de façon grandiose, ils sont
exécutés très largement. La couleur est toujours d'une beauté rare et
harmonieuse. (...) Mais c'est peut-être dans le paysage
que Paulsen a produit ses meilleures œuvres. Ses tableaux de nature sont petits
pour la plupart, même tout petits, et tirés de motifs insignifiants; ils ne se
distinguent pas non plus par une coloration particulièrement vigoureuse et
hardie. Mais ils sont pourtant d'un effet extrêmement saisissant et étonnant,
car tout y est exécuté de façon à donner l'impression la plus vive du sujet. Un
pays plat, des prairies avec une chaumière et quelques arbres échevelés par le
vent : voilà un de ses thèmes. Mais derrière les lourds nuages le soleil brille
soudain et vient dorer un bout de pâturage; et aussitôt c'est une vivante
féerie. Ou bien des flamboiements traversent de sombres nuages d'orage sous un
ciel menaçant comme un mauvais destin : tout un petit drame de nature ! Ou
bien, tout est dissous dans le brouillard et la tristesse, un rayon d'une lune
blafarde tombe seul sur une mer obscure, semblable aux rêves vagues d'un homme
à demi éveillé. Ces impressions ne sont pas des impressions de nature, mais des
impressions de l'artiste lui-même. Ce qu'il retrace, ce n'est pas la réalité
existante, mais le va-et-vient de ses propres sentiments à travers la joie et
la douleur. »
Julius Paulsen décédera en 1940 dans sa 80ème année à Copenhague.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire